Image

Nouvelle illustration du revirement de jurisprudence relatif aux éléments d’équipements installés dans un ouvrage déjà existant !

Civil - Immobilier, Responsabilité
Affaires - Assurance
11/03/2019
Le désordre affectant l’insert remplacé par le constructeur a causé un incendie ayant intégralement détruit l’habitation, de sorte qu’il importe peu que l’insert ait été dissociable ou non, d’origine ou installé sur existant.
Les propriétaires d’une maison d’habitation détruite par un incendie ainsi que leur assureur ont, après expertise, assigné l’entrepreneur chargé des travaux de remplacement de l’insert de leur cheminée, en indemnisation de leurs préjudices. L’assureur décennal de cette entreprise est intervenu volontairement à l’instance.

Dans un arrêt du 2 mars 2017 (CA Metz, 2 mars 2017 ; rendu sur renvoi après cassation, Cass. 3e civ., 7 nov. 2012, n° 11-20.532, Bull. civ. III, n° 162), les juges d’appel ont énoncé qu’après avoir déposé un foyer fermé installé par le maître de l’ouvrage, le locateur d’ouvrage a mis en place un nouvel insert en conservant l’habillage décoratif de cheminée et le conduit principal d’évacuation des fumées. Ils précisent que les prestations du locateur d’ouvrage comprenaient, en fourniture et en pose, l’insert, le conduit de raccordement, la pièce jonction de raccordement entre conduit simple paroi et conduit double paroi existant et l’exécution d’une hotte en plaques de plâtre sur ossature métallique. Au regard de ces éléments, ils en ont déduit que le constructeur n’avait pas exécuté l’installation d’un ouvrage faisant corps avec la construction et ne pouvant en être dissocié, si bien que le jugement devait être confirmé en ce qu’il rejetait les demandes fondées sur la présomption de responsabilité des constructeurs de l’article 1792 du Code civil (v. en ce sens, Cass. 3e civ., 6 févr. 2002, n° 00-15.301 : les travaux réalisés portant sur l’installation d’un insert dans une cheminée préexistante ne pouvant relever que de la responsabilité contractuelle de droit commun).

Raisonnement logique des juges d’appel, néanmoins désuet, puisque ceux-ci se basaient sur la jurisprudence en vigueur avant le revirement de juin 2017. En effet, jusqu’à cette date, l’alternative était la suivante : soit les travaux d’installation, dans l’ouvrage préexistant, de l’élément d’équipement dissociable sont eux-mêmes qualifiés d’ouvrage de construction au sens de l’article 1792 et la responsabilité décennale peut être mobilisée dans les conditions posées par ce texte (Cass. 3e civ., 24 sept. 2014, n° 13-19.615) ; soit, les travaux d'installation, dans un ouvrage préexistant, d'un élément d'équipement dissociable ne sont pas considérés comme constitutifs d'un ouvrage au sens de l'article 1792 du Code civil, et alors seule la responsabilité contractuelle de droit commun est susceptible d'application (Cass. 3e civ., 10 déc. 2003, no 02-12.215, Bull. civ. III, no 224 ; pour aller plus loin, v. Le Lamy Assurances, nos 3334 et 3366).

Les juges du fond, fort justement, ont donc retenu que les travaux d’installation de l’insert ne pouvaient être considérés comme constitutifs d’un ouvrage et ne relevaient ainsi pas des dispositions de l’article 1792 du Code civil.

C’était sans compter sur le revirement de jurisprudence initié par l’arrêt du 15 juin 2017 (Cass. 3e civ., 15 juin 2017, no 16-19.640, publié au Bulletin) et confirmé par celui du 14 septembre 2017 (Cass. 3e civ., 14 sept. 2017, no 16-17.323, publié au Bulletin ; v. également Cass. 3e civ., 14 sept. 2017, nos 16-10.820 et 16-12.593, pour des faits similaires) posant un nouveau principe selon lequel « les désordres affectant des éléments d'équipement, dissociables ou non, d'origine ou installés sur existant, relèvent de la responsabilité décennale lorsqu'ils rendent l'ouvrage dans son ensemble impropre à sa destination ». Le caractère dissociable ou non d'un élément d'équipement, comme les conditions temporelles de son installation (dans l'ouvrage d'origine ou dans un ouvrage préexistant) sont indifférents, seul important désormais la gravité des dommages au regard de l'ouvrage dans son ensemble.

Ainsi, au regard de cette jurisprudence et au visa de l’article 1792 du Code civil, la troisième chambre civile, dans un arrêt destiné à une large publication, rappelle que le désordre affectant l’insert avait causé un incendie ayant intégralement détruit l’habitation de sorte qu’il importait peu que l’insert eût été dissociable ou non, d’origine ou installé sur existant.
Source : Actualités du droit