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Jean-Paul Saint-André : « L’un des intérêts de la réforme est qu’elle permet de proposer aux lycéens plusieurs voies d’accès aux études de santé »

Public - Santé
18/11/2019
Adieu la PACES, bonjour le PASS et les L.AS ! Les études de santé vont être profondément modifiées à compter de la rentrée 2020, avec notamment la suppression de la PACES et du numerus clausus. Deux décrets et un arrêté viennent préciser les modalités de cette réforme de l’accès aux formations de médecine, maïeutique, odontologie et pharmacie (MMOP). Le Professeur Jean-Paul Saint-André a piloté le groupe de travail sur la refonte du premier cycle des études de santé, dont le rapport a été remis en décembre 2018. Il répond à nos interrogations sur la réforme de la 1re année.
La première année commune aux études de santé (PACES) est remplacée par un nouveau système (C. éduc., art. R. 631-1) : le choix se fera désormais essentiellement entre le parcours spécifique « accès santé » (PASS : médecine, pharmacie, odontologie, maïeutique) ou une licence (d’une autre discipline) avec option « accès santé » (L.AS).
 
  • Actualités du droit : Pour les futurs inscrits, quels sont, selon vous, les critères qui doivent être pris en compte pour choisir entre une L.AS et un PASS ?

L’un des intérêts de la réforme est qu’elle permet de proposer aux lycéens plusieurs voies d’accès aux études de santé : lors du choix de ses spécialités et options au lycée, il pourra choisir celles qui correspondent à ses points forts et à ses centres d’intérêt, tout en continuant à réfléchir à son projet d’études supérieures qui est rarement finalisé à ce stade. Lorsqu’il sera en terminale, il pourra choisir, parmi les voies d’accès, celle qui est en meilleure cohérence avec ses choix au lycée. Il aura à ce moment-là les informations pertinentes sur le nombre de places disponibles pour chacune des filières et chacune des voies d’accès proposées par l’université au sein de laquelle il souhaite s’inscrire.
 
  • Actualités du droit : Les contenus des formations des parcours PASS et L.AS sont-ils déjà établis ?

Les contenus des formations ne sont pas prescrits par les textes réglementaires et seront, comme les autres contenus des formations de premier cycle, assez variables d’une université à l’autre.
L’arrêté du 4 novembre 2019 (Arr. 4 nov. 2019, NOR : ESRS1930498A, JO 5 nov.) précise que les 10 crédits européens (ETCS) correspondant à la mineure santé d’une licence (de droit ou de toute autre licence) sont « notamment destinés à apporter aux étudiants les connaissances et compétences nécessaires à la poursuite d’études en santé. Ils comprennent des unités d’enseignement en sciences fondamentales et en sciences humaines et sociales relevant du domaine de la santé ». À l’inverse, le parcours spécifique « accès santé » (PASS) doit comprendre au moins 30 crédits relevant du domaine de la santé et au moins 10 crédits dans des unités d’enseignements disciplinaires au choix de l’étudiant, ainsi qu’un module d’anglais.
Ces parcours de formation doivent en outre comporter un module de préparation aux épreuves d’admission (épreuves orales) et un module de découverte des métiers de la santé.

 
La suppression du numerus clausus et son remplacement par la capacité d’accueil des universités (et donc par un nombre de places disponibles) ont vocation à permettre de lutter contre les déserts médicaux (C. éduc., art. L. 631-1 et R. 631-1-6).
 
  • Actualités du droit : Comment les besoins des territoires vont-ils pouvoir être concrètement anticipés ?

Les besoins des territoires sont difficiles à anticiper, surtout pour des professions dont la période de formation est très longue et l’échec du numerus clausus en tant qu’outil de régulation de la démographie médicale – ce qu’il n’était pas à l’origine, puisqu’il était défini comme un instrument permettant d’adapter les flux d’étudiants aux capacités de formation – en est une bonne illustration. Le dispositif proposé, qui prévoit une concertation avec l’ensemble des acteurs locaux et régionaux concernés (Agences Régionales de Santé, collectivités territoriales, professionnels de santé, usagers) devrait permettre une meilleure connaissance des besoins des territoires. Il faut toutefois rappeler que la liberté d’installation des professionnels de santé ayant été réaffirmée, il n’est pas possible de garantir que les professionnels formés sur un territoire donné exerceront leur profession sur ce même territoire.
 
  • Actualités du droit : Ne sera-t-il pas plus facile de réussir ses études de santé dans les universités des territoires concernés ?

Le recrutement des étudiants en santé restera sélectif et le taux de réussite dépend en effet du nombre de candidats et du nombre de places disponibles. Depuis une quinzaine d’années le numerus clausus (essentiellement pour la médecine) a été augmenté très significativement dans les régions à densité médicale inférieure à la moyenne nationale, alors qu’il est resté stable ou a beaucoup plus faiblement augmenté dans les régions à densité médicale supérieure à la moyenne. Ceci conduit à des taux de réussite au concours de PACES très variables (par exemple, 33 % à Besançon contre 12 % à Marseille en 2015). On peut supposer que la connaissance de ces chiffres et une mobilité étudiante facilitée par les nouvelles conditions d’accès à l’enseignement supérieur réduisent ces disparités, qui néanmoins subsisteront en raison en particulier de la forte attractivité de certaines métropoles et régions.
 
 
Le mécanisme des « reçus-collés » disparaît et c’est désormais la réussite à deux groupes d’épreuves qui détermine le passage en 2e, comme en 3e année. Mais ceci, après un examen des « candidatures » par un jury, qui fixe des notes minimales et une liste d’admission par ordre de mérite (C. éduc., art. R. 631-1-2).
 
  • Actualités du droit : En quoi ce nouveau système est-il différent du précédent ?

La disparition des « reçus-collés » met fin à une anomalie, dont les effets secondaires sont largement dénoncés depuis longtemps, qui consistait à faire redoubler un étudiant ayant validé son année : ceci avait pour conséquence une augmentation artificielle et problématique des effectifs en PACES, ainsi qu’un impact négatif sur la motivation et l’estime de soi des étudiants. Désormais, un étudiant ayant validé une année de licence passera dans l’année supérieure, même si cette année ne correspond pas exactement à son premier choix. Toutefois, le nouveau système préserve la possibilité pour tout étudiant de postuler deux fois à l’accès aux études de santé.
De plus, la réforme introduit dans la procédure d’admission des épreuves orales « devant permettre aux candidats de démontrer qu’ils disposent des compétences nécessaires pour accéder aux formations de médecine, de pharmacie, d’odontologie ou de maïeutique », ce que les épreuves actuelles de PACES, essentiellement des QCM, ne permet pas de garantir.
  
  • Actualités du droit : Conjugué à une limitation de la capacité d’accueil des universités et à une affectation des places disponibles selon le parcours suivi antérieurement (PASS ou L.AS ou IFSI), ce système ne risque-t-il pas de rendre encore plus difficile l’accès en 2e année de santé ?

L’accès aux études de santé est et restera sélectif, avec un taux de sélection qui dépendra des évolutions du nombre de candidats et du nombre de places pour chaque filière.
La capacité d’accueil des universités en première année de licence restera au minimum à son niveau actuel, PACES comprise. La répartition des étudiants sera différente, entre le Parcours Accès Santé et les licences permettant l’accès aux études de santé, au sein des universités avec composante santé ; et aussi entre les universités, puisque des universités sans composante santé permettront un accès aux études de santé via des licences avec mineure santé. Par ailleurs, il faut prendre en compte la suppression du redoublement d’une année validée dont les expérimentations ont montré qu’elle diminuait d’un tiers environ le nombre d’inscrits en PACES ou ce qui la remplace.
 
 
Les modalités d’accès à la 2e année en santé sont profondément modifiées (C. éduc., art. R. 631-1-1) et, par exemple, un étudiant en droit avec option « accès santé » pourrait, après avoir obtenu sa Licence 1, intégrer la 2e année de médecine et réciproquement.
 
  • Actualités du droit : Pouvez-vous nous en dire davantage sur ces « passerelles » ?

Il ne s’agit pas à proprement parler de passerelles. Si une université (avec ou sans composante santé) propose un accès à des étudiants inscrits en licence de droit, sous réserve qu’ils valident leurs 60 ECTS (et une mineure santé), ils pourront être candidats à des épreuves (au moins en partie orales) d’admission, avec un nombre de places disponibles par cette voie d’accès prédéfini par l’université. C’est donc l’une des voies d’accès aux études de santé, qui sera proposée par certaines universités – pour mémoire, certaines universités ne proposeront pas de Parcours spécifique Santé, mais uniquement plusieurs voies d’accès par différentes licences et une mineure Santé –. À l’inverse, un étudiant inscrit en Parcours d’Accès Spécifique Santé, qui valide son année, qui valide une mineure Droit (définie et gérée par les enseignants de droit) pourra, s’il le souhaite, poursuivre son cursus universitaire en licence de droit.
 
  • Actualités du droit : Qu’en est-il du nombre de candidatures pouvant être présentées en santé dans le cadre ces passerelles ?

Les règles sont les mêmes, quelles que soient les voies d’accès choisies par les étudiants : ils ont droit à deux chances, une année du parcours d’accès spécifique santé non validée par l’acquisition de 60 ECTS épuisant une chance.
 
 
Ce nouveau système d’admission doit s’articuler avec d’autres cursus existants : IUT, classes préparatoires…
 
  • Actualités du droit : Des ajustements des référentiels de ces formations sont-ils prévus pour faciliter le passage vers les études de santé ?

En ce qui concerne les IUT, il n’est pas actuellement prévu que les titulaires d’un DUT puissent candidater aux études de médecine, pharmacie, odontologie, maïeutique.
Pour ce qui est des classes préparatoires (et aussi des écoles universitaires avec préparation intégrée), les élèves inscrits en classe préparatoire bénéficient normalement d’une double inscription en licence. Donc ils peuvent candidater aux épreuves d’admission aux études de médecine, pharmacie, odontologie ou maïeutique, sous réserve d’avoir validé au moins 60 ou 120 crédits ECTS. L’article 10 de l’arrêté du 4 novembre (précité) précise que les 10 crédits ECTS dans des domaines relevant du domaine de la santé (« mineure santé ») pourront être validés au plus tard à la date d’entrée en formation en cas d’admission.
 
  • Actualités du droit : Comment les écoles du Service de santé des armées vont-elles pouvoir s’intégrer dans le nouveau système ?

Le décret n° 2019-1125 du 4 novembre (D. n° 2019-1125, 4 nov. 2019, JO 5 nov.) mentionne que les dispositions générales de la réforme sont applicables aux élèves des écoles du service de santé des armées, avec quelques particularités :
  • Pour les élèves du service de santé des armées, la candidature aux formations de médecine, pharmacie, odontologie est présentée après accord de l’autorité militaire ;
  • Un arrêté du ministre de la défense et des ministres chargés de l’enseignement supérieur et de la santé pourra préciser les modalités d’application du décret.

Propos recueillis par Aude Dorange
 
La réforme : 
La loi du 24 juillet 2019 relative à l’organisation et à la transformation du système de santé (art 1er, L. n° 2019-774, 24 juill. 2019, JO 26 juill.) a rénové l’accès aux études de santé :
- en faisant disparaître la première année commune aux études de santé (PACES) ;
- en remplaçant le numerus clausus pour l’accès en 2e année, par une limitation des capacités d’accueil, déterminées annuellement ;
- en supprimant les épreuves classantes nationales (ECN) pour l’accès au 3e cycle, remplacées par de nouvelles modalités d’accès et d’affectation sur les postes d’internes.
 
Les textes d’application :
- D. n° 2019-1125, 4 nov. 2019, JO 5 nov.
- D. n° 2019-1126, 4 nov. 2019, JO 5 nov.
- Arr. 4 nov. 2019, NOR : ESRS1930498A, JO 5 nov.
 
À lire également, le rapport « Saint-André » : Saint-André J.-P., 17 déc. 2018, Suppression du Numerus Clausus et de la PACES, Refonte du premier cycle des études de santé pour les “métiers médicaux”
Source : Actualités du droit