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Infections nosocomiales : précisions en matière de prescription

Public - Santé
04/03/2020
Dans un avis rendu le 12 février 2020, le Conseil d’État énonce qu’ « il résulte des travaux parlementaires préparatoires à la loi n° 2016-41 du 26 janvier 2016 que le législateur a entendu inclure dans le champ d’application de la prescription décennale prévu par l’article L. 1142-28 du code de la santé publique non seulement les actions susceptibles d’être engagées contre l’Office national d’indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) sur le fondement des articles L. 1142-24-9, L. 1221-14, L. 3111-9, L. 3122-1 et L. 3131-4 du code de la santé publique, mais aussi, bien qu’elles ne soient pas expressément mentionnées par l’article L. 1142-28, celles susceptibles de l’être sur le fondement de l’article L. 1142-1-1 du même code ».
En l’espèce, les ayants droits d’une personne décédée ont demandé au tribunal administratif de mettre à la charge de l’ONIAM et d’un centre hospitalier les sommes qu’ils estiment leur être dues à raison du préjudice subi du fait du décès de leur parent. Avant de statuer sur cette demande, le tribunal administratif a, en application de l’article L. 113-1 du code de justice administrative, décidé de transmettre le dossier de cette demande au Conseil d’État, en soumettant à son examen les questions suivantes :

— les actions engagées contre l’ONIAM sur le fondement de l’article L. 1142-1-1 du code de la santé publique, sont-elles, en dépit de la lettre de l’article L. 1142-28 du code de la santé publique dans sa rédaction issue de la loi n° 2016-41 du 26 janvier 2016 puis de la loi n° 2016-1917 du 29 décembre 2016, toujours soumises à une prescription décennale ? Dans la négative, quel est le délai de prescription applicable et quelles sont les modalités d’application dans le temps du changement de délai de prescription ? 

— dans quelle mesure le dernier alinéa de l’article L. 1142-7 du code de la santé publique, qui dispose que « La saisine de la commission suspend les délais de prescription et de recours contentieux jusqu’au terme de la procédure prévue par le présent chapitre » doit-il être combiné avec l’alinéa 2 de l’article 2238 du code civil, qui prévoit que lorsque la médiation ou la conciliation est terminée, le délai de prescription recommence à courir pour une durée qui ne peut être inférieure à six mois ? 

— une demande indemnitaire, postérieure à l’avis rendu par une commission de conciliation et d’indemnisation des accidents médicaux, peut-elle suspendre ou interrompre le délai de prescription ?
 
Les actions engagées contre l’ONIAM sont-elles soumises à la prescription décennale ?

Le Conseil d’État répond par l’affirmative.

En effet, il rappelle les dispositions de l’article L. 1142-28 du code de la santé publique : « Les actions tendant à mettre en cause la responsabilité des professionnels de santé ou des établissements de santé publics ou privés à l’occasion d’actes de prévention, de diagnostic ou de soins et les demandes d’indemnisation formées devant l’Office national d’indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales en application du II de l’article L. 1142-1 et des articles L. 1142-24-9, L. 1221-14, L. 3111-9, L. 3122-1 et L. 3131-4 se prescrivent par dix ans à compter de la consolidation du dommage. / Le titre XX du livre III du code civil est applicable, à l’exclusion de son chapitre II ».

Puis, le Conseil d’État déduit des travaux parlementaires préparatoires à la loi du 26 janvier 2016 que « le législateur a entendu inclure dans le champ d’application de la prescription décennale que prévoient ces dispositions, non seulement les actions susceptibles d’être engagées contre l’ONIAM sur le fondement des articles L. 1142-24-9, L. 1221-14, L. 3111-9, L. 3122-1 et L. 3131-4 du code de la santé publique, mais aussi, bien qu’elles ne soient pas expressément mentionnées par l’article L. 1142-28, celles susceptibles de l’être sur le fondement de l’article L. 1142-1-1 du même code ».
 
Comment le dernier alinéa de l’article L. 1142-7 du code de la santé publique doit-il être combiné avec l’alinéa 2 de l’article 2238 du code civil ?

L’article 2238 du code civil prévoit que lorsque la prescription a été suspendue par le recours des parties à la médiation ou à la conciliation, « le délai de prescription recommence à courir, pour une durée qui ne peut être inférieure à six mois, à compter de la date à laquelle soit l’une des parties ou les deux, soit le médiateur ou le conciliateur déclarent que la médiation ou la conciliation est terminée (...) ».

Au surplus, le quatrième alinéa de l’article L. 1142-7 du code de la santé publique dispose que « La saisine de la commission suspend les délais de prescription et de recours contentieux jusqu’au terme de la procédure prévue par le présent chapitre ».

Le Conseil d’État déduit de ces dispositions que « lorsque la saisine de la commission de conciliation et d’indemnisation des accidents médicaux, soit par une demande au titre de la procédure de règlement amiable, soit par une demande au titre de la procédure de conciliation, a suspendu le délai de prescription applicable à l’action indemnitaire, ce délai recommence à courir pour la durée restant à courir ou, si celle-ci est inférieures à six mois, pour une durée de six mois ».

Puis, il apporte des précisions sur le délai de prescription lorsque la demande est présentée à la commission de conciliation et d’indemnisation des accidents médicaux au titre de la procédure amiable ou au titre de la procédure de conciliation.
 
Dans la première hypothèse, « le délai de prescription recommence à courir, dans le cas où la commission conclut à l’absence de droit à réparation, à compter de la date à laquelle cet avis de la commission est notifié à l’intéressé. Dans le cas où la commission estime que le dommage est indemnisable par un établissement de santé ou au titre de la solidarité nationale, si l’intéressé reçoit une offre d’indemnisation de l’assureur de la personne considérée comme responsable ou de l’ONIAM, le délai recommence à courir à compter de la date de réception de cette offre ».
 
Dans la seconde et dernière hypothèse, « Si la demande a été présentée au titre de la procédure de conciliation, le délai de prescription recommence à courir à la date à laquelle l’intéressé reçoit le courrier de la commission l’avisant de l’échec de la conciliation, ou à la date à laquelle le document de conciliation partielle mentionné à l’article R. 1142-22 du code de la santé publique est signé par les deux parties ».

Incidence d’une demande indemnitaire postérieure à l’avis rendu par une commission de conciliation et d’indemnisation des accidents médicaux sur le délai de prescription

Pour la Haute juridiction, par le second alinéa de l’article L. 1142-28 du code de la santé publique issu de la loi du 26 janvier 2016, « le législateur a entendu fixer l’ensemble des causes interruptives inhérentes à ce régime et exclure l’application des causes interruptives prévues par la loi du 31 décembre 1968 pour les litiges de responsabilité médicale mettant en cause des personnes publiques et ce, à compter de la date d’entrée en vigueur de la loi du 26 janvier 2016 ».

Or, aucune disposition du titre XX du livre III du code civil ne prévoit qu’une demande de paiement ou une réclamation adressée à une administration ait pour effet de suspendre ou d’interrompre le délai de prescription.

Il en déduit ainsi « qu’une demande indemnitaire présentée à l’administration n’est pas de nature à suspendre ou interrompre le délai de prescription prévue à l’article L. 1142-28 du code de la santé publique et tel est le cas qu’elle soit formulée antérieurement ou postérieurement à l’avis rendu par une commission de conciliation et d’indemnisation des accidents médicaux ».
Source : Actualités du droit